Israël (5e partie) : Israël versus le Québec

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(Cet article a été publié sur Twitter sous forme de thread le 3 juillet 2020.)

Je continue ici ma série d’articles sur Israël. Si vous n’avez pas encore lu mes quatre premiers articles, je vous recommande de le faire avant d’aller plus loin.

Article no. 1

Article no. 2

Article no 3

Article no 4

Permettez-moi aujourd’hui de transposer le problème israélo-palestinien en version québécoise afin de faciliter encore plus la compréhension de toutes les informations que j’ai donné jusqu’à maintenant. On a réussi à avoir un pays, le Québec est indépendant. Bien sûr, ça ne fait pas l’affaire des anglophones du nouveau pays du Québec et encore moins celle des Canadiens. Ils décident donc de se promener sur notre territoire nouvellement souverain en autobus et en train, munis de bombes pour y faire des attentats-suicides afin de nous faire payer notre indépendance. Va-t-on les laisser faire parce que l’ONU dit que les pôôôves Anglais ont besoin d’aide? Je ne crois pas. Donc, on va probablement construire une clôture de sécurité afin de les emmurés dans une enclave pour restreindre leurs mouvements et ainsi protéger notre population civile. Mais, les Anglais continuent tout de même de commettre des actes de terrorisme contre notre nouveau pays. Donc, on va sûrement contrôler les entrées et les sorties du territoire anglais afin de protéger notre population civile, non? Ça va de soi, à moins bien sûr que vous ne préférez mourir au nom de la sacro-sainte « liberté des minorités ». Je l’ai déjà dit et je le répète : le Québec a beaucoup plus en commun avec Israël qu’avec la Palestine. L’Occident a également beaucoup plus en commun avec Israël car ce pays représente le rêve occidental incarné dans la philosophie des Lumières : la liberté, la culture, la modernité, etc.

Souvenez vous de la citation de José María Aznar que je vous ai présenté dans un article précédent.

« Que des pays occidentaux se rangent du côté de ceux qui remettent en question la légitimité d’Israël, nous dit l’ex-premier ministre de l’Espagne, José María Aznar (1996-2004), jouent avec des questions de sécurité vitales pour Israël au sein des instances internationales. Ils apaisent ceux qui s’opposent aux valeurs occidentales plutôt que de s’élever vigoureusement pour la défense de ces valeurs. Ce n’est pas seulement une grave erreur morale mais une erreur stratégique de premier ordre. Israël est une partie essentielle de l’Occident. L’Occident est ce qu’il est grâce à ses racines judéo-chrétiennes. Si l’élément juif de ces racines est déterré et si Israël est perdu, alors nous sommes perdus aussi. Que cela nous plaise ou non, notre destin est inextricablement lié à celui d’Israël. »

La haine des Juifs a de tout temps été une affaire de diabolisation, littéralement au Moyen-Âge dans le cas de l’anti-judaïsme chrétien pour lequel le Juif était le diable incarné voué à la destruction de la chrétienté (le peuple juif est déicide, car c’est lui qui a tué le Christ) et, figurativement, dans le cas de l’antisémitisme moderne pour lequel le Juif incarne la perversion du genre humain. « L’anti-sionisme » est donc l’avatar contemporain de la diabolisation des Juifs. Si, dans la foulée du génocide des Juifs européens aux mains des nazis et de leurs collaborateurs, il est désormais de mauvais ton d’avilir les Juifs comme tels, l’État des Juifs et le mouvement de libération nationale qui lui a donné naissance, le sionisme, font aujourd’hui office, par une légère procuration, de cibles socialement acceptables pour les contempteurs du peuple juif.

C’est la règle des 3D de Natan Sharansky (l’un des plus célèbres opposants soviétiques devenu écrivain et politicien israélien) en action : Diabolisation + Double standard + Délégitimation d’Israël = Antisémitisme (et non critique légitime).

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Ce test a déjà été expliqué par Irwin Cotler, qui fut ministre de la Justice sous le gouvernement libéral de Paul Martin. L’économiste américain George Gilder a également écrit un livre intitulé « The Israël Test », soit le test par Israël. Il y dit que l’attitude face à Israël définit aujourd’hui ce qu’est un être humain et que ceux qui sont du côté de la liberté, de la civilisation, de la grandeur, de l’accomplissement et de la vie ne peuvent qu’être résolument du côté d’Israël. Il y dit que seuls ceux qui sont du côté de la servitude, de la barbarie, de l’humiliation, de l’écrasement de toutes les valeurs et de la mort sont résolument contre Israël. Je ne peux qu’être d’accord avec lui.

Je ne compte plus les souverainistes qui crachent, à chaque fois qu’ils le peuvent sur Israël, le peuple juif et le sionisme, alors que le sionisme est un mouvement de libération nationale tout aussi légitime que ne les sont les autres mouvements de libération nationale qu’il y a à travers le monde, y compris celui du Québec. Je ne compte plus les souverainistes qui m’ont bloqué simplement parce que je défendais un peu trop Israël à leurs yeux. Comment peut-on être aussi incohérent que ça dans nos idées? Le droit des peuples à l’auto-détermination ne vaut-il pas pour tous les peuples du monde?

Mais non. Eux, ils préfèrent parler de la démocratie israélienne comme étant le Quatrième Reich. En cela, preuve que la maladie mentale (oui, je considère que l’antisémitisme est une maladie mentale) de ces souverainistes peut également toucher des fédéralistes, ils sont presque tous très proches des idées de Stéphane Gendron qui a déjà comparé Gaza au Ghetto de Varsovie, tout en disant que les Israéliens étaient « les nazis des temps modernes ». Or, si personne ne pouvait sortir du Ghetto de Varsovie, tout le monde peut sortir de Gaza. Et il n’y a aucune chambre à gaz ni aucun camp de concentration à Gaza. Avec des gens comme ça, on s’étonne de constater que les Protocoles des Sages de Sion, ce faux document antisémite rédigé par la police secrète du tsar Nicolas II de Russie et qui fait état d’un supposé complot par les Juifs et par la franc-maçonnerie pour gouverner le monde, n’est toujours pas une lecture obligatoire dans les écoles du Québec.

Emblématique du discours anti-sioniste, la nazification d’Israël à laquelle se livrent ces gens n’est pas seulement antisémite, parce qu’elle diffame le peuple juif en lui attribuant les attributs racistes et mortifères des assassins de six millions de Juifs, mais bien parce qu’elle perpétue la tradition antisémite d’identification des Juifs avec le mal absolu. Bien sûr, aucun État n’est au-dessus de la légitime critique de ses politiques à l’aune de critères universels. Or, l’anti-sionisme n’est pas l’exercice de la critique légitime des politiques du gouvernement israélien, mais bien une odieuse imposture idéologique qui, sous le couvert d’une sympathie envers les « Palestiniens », diabolise l’expression nationale du peuple juif en l’accablant des attributs les plus détestables.

En tant qu’indépendantiste québécois, je ne peux pas accepter ça. En tant qu’indépendantiste québécois, je sais que notre mouvement de libération nationale a également été traîné dans la boue dans son Histoire et qu’il continue toujours de l’être aujourd’hui. Et en tant qu’indépendantiste québécois, je suis moralement solidaire envers tous les mouvements de libération nationale du monde entier, pour autant que ceux-ci soient pacifiques comme le sont, par exemple, celui d’Israël et celui du Tibet. Le combat de ces deux grandes nations est également celui du Québec, beaucoup plus que celui des terroristes palestiniens ne le sera jamais.

Défendre le mouvement de libération nationale du peuple juif n’est pas que l’affaire des Juifs. C’est également celle de ceux qui ne sont pas Juifs. Pour paraphraser la journaliste catalane Pilar Rahola, en tant qu’être humain, humaniste porté par des valeurs éthiques, non-Juif, membre de la civilisation occidentale et indépendantiste québécois, j’ai un quintuple devoir moral envers Israël parce que, si Israël est annihilé, si le peuple juif est jeté à la mer comme le voudrait le Hamas et toute la frange islamo-djihadiste et si le sionisme est détruit, alors les valeurs de l’Occident ancrées dans la philosophie des Lumières (la liberté, la culture, la modernité, etc.), ainsi que le droit des peuples à l’auto-détermination, seront également détruits.

Le combat d’Israël pour faire respecter son droit plein et entier à l’auto-détermination, même s’il compte plusieurs ennemis dans le mouvement souverainiste québécois, est aussi celui des indépendantistes québécois et même celui de tous les mouvements de libération nationale qu’il y a à travers le monde. Que les souverainistes anti-Israël se le tiennent pour dit.

Dans son livre qui s’intitule « Juif : une histoire québécoise », l’ancien député bloquiste Richard Marceau nous trace un magnifique portrait de la situation, tout en expliquant mieux que quiconque pourquoi le destin du Québec est inextricablement lié à celui d’Israël et non pas à celui des « Palestiniens » et pourquoi le Québec ressemble beaucoup plus qu’il ne le pense à Israël.

Le Québec s’enracine dans la civilisation occidentale et logiquement, il devrait avoir une certaine sympathie pour les autres nations qui composent cette civilisation. Alors, comment se fait-il que la haine de cette civilisation à laquelle nous appartenons soit si dominante chez nos élites intellectuelles et artistiques, dans notre univers médiatique et dans notre classe politique? Cette haine de soi est-elle un symptôme de déclin, pour ne pas dire un symptôme de pourrissement? On pourrait le croire, surtout quand on voit qu’elle est à la fois plus intense et même plus pathologique lorsqu’elle a pour objet la nation qui mène courageusement le combat contre les forces destructrices anti-occidentales en terre ennemie, c’est-à-dire Israël.

Est-ce par mauvaise conscience? Sans doute. Mais, c’est aussi et surtout une dérive idéologique on ne peut plus dangereuse. Le « Palestinien » a remplacé le prolétaire comme l’incarnation exemplaire de l’opprimé et de la victime. Il convient donc de voler à son secours en métamorphosant Israël en agresseur, alors qu’il est depuis 72 ans l’agressé. Il faut vraiment être aveuglé par la haine de l’Occident et par un démentiel et délirant antisémitisme pour se laisser ainsi manipuler par la propagande islamo- palestinienne.

Ne nous leurrons pas : cette guerre en est une d’abord et avant tout contre la civilisation occidentale et ses valeurs. C’est le djihad, point. Israël reçoit tout simplement les coups qui nous sont destinés à nous tous.

« Partout où nous tournons nos regards sur les cinq continents, écrit le philosophe et écrivain français Yves Roucaute dans son livre qui s’intitule « La puissance de la liberté », je vois la même haine. Quelle conscience peut s’étourdir à ce point de ses chimères pour ne pas voir l’universalité du terrorisme, la réalité de la Quatrième Guerre mondiale et la nécessité de l’affronter sans attendre. »

Puis, loin de moi l’idée de vouloir accabler encore plus qu’il ne l’est déjà ces braves gens que sont les souverainistes anti-Israël mais je tiens quand même à leur dire qu’en crachant leur sale fiel sur Israël, ils renient les enseignements de l’illustre Pierre Bourgault, un pionnier du mouvement souverainiste québécois. Peu de personnalités québécoises ont été aussi âpres dans leur jugement de la politique israélienne que Pierre Bourgault. Mais, jamais il ne fut un anti-sioniste.

Si Bourgault fut un critique acerbe et inéquitable de la politique des gouvernements israéliens successifs en faisant porter tout le fardeau du conflit israélo-arabe et de sa solution sur les épaules d’Israël, tout en affranchissant les « Palestiniens » de toute responsabilité politico-historique, il n’a jamais néanmoins remis en question la légitimité de l’État d’Israël. Contrairement à ses contemporains du mouvement syndical québécois qui partaient donner l’accolade à Mouammar Kadhafi pour revenir au Québec en déclarant la guerre au sionisme, Bourgault jugeait futile le débat sur la légitimité du sionisme. Pour lui, l’État des Juifs était une réalité politico-historique qu’il lui incombait de soutenir coûte que coûte comme il l’a fait dans cette chronique de 1979. On est très loin ici des déclarations incendiaires d’Amir Khadir qui a déjà affirmé vouloir en finir avec le sionisme.

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Tout pro-palestinien qu’il était, le grand patriote Pierre Bourgault n’avait aucune tolérance pour la délégitimation d’Israël. En 1982, il dénonça sans détour, dans une chronique dans « The Gazette », un vote parrainé par l’Iran pour exclure Israël de l’ONU.

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Son voyage en Israël en 1984 avait convaincu Bourgault de la culture démocratique vigoureuse d’Israël et de la pérennité souhaitable du pays.

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Si les positions de Bourgault sur le conflit israélo-arabe peuvent paraître paradoxales aujourd’hui, c’est que la campagne de délégitimation d’Israël a gravement dénaturé le vocabulaire pour appréhender ce conflit et les prises de position qu’il conditionne. Bourgault n’a jamais confondu, comme il est devenu si courant de le faire aujourd’hui dans les médias, l’exercice légitime de la critique des politiques du gouvernement israélien avec l’anti-sionisme, c’est-à-dire l’opposition au droit du peuple juif à un État sur sa terre ancestrale. Bref, je ne crois pas que Pierre Bourgault serait fier de ces souverainistes anti-Israël aujourd’hui. Mais bon, pour ces souverainistes anti-Israël, l’État d’Israël est un État en trop et, pour reprendre l’expression de Pierre-André Taguieff, « le peuple juif est un intrus dans le genre humain ». Telles sont les deux faces du fantasme idéologique qui surplombe le monde contemporain.

Souvenez-vous du livre de Pierre-André Taguieff dont j’ai déjà parlé. Je sais très bien que je n’aurai sans doute pas convaincu grand monde. Et je sais aussi très bien que ces gens ne liront probablement pas le livre exceptionnel de Pierre-André Taguieff (« La Judéophobie des Modernes »). Ils ne liront pas plus le livre de David Horowitz et Guy Millière (« Comment le peuple palestinien fut inventé »), ni même « L’État à l’étoile jaune », un autre livre pertinent de Guy Millière. Et je crains fort qu’ils ne liront pas plus le livre remarquablement lucide du journaliste et écrivain français Michel Gurfinkiel qui s’intitule « Israël peut-il survivre? La nouvelle règle du jeu. ».

Je me permets d’ailleurs, en guise de conclusion, de vous citer un extrait de ce dernier livre.

« Être promis à la destruction par les uns, être abandonné par les autres : aucun peuple ne peut prendre à la légère une telle situation, Israël moins qu’un autre. Le peuple juif garde dans sa mémoire collective d’autres génocides et trahisons : l’Égypte pharaonique, la Perse achéménide, la Rome d’Hadrien, l’extermination des Juifs et des judaïsants d’Arabie, les expulsions de l’Angleterre, de la France, de l’Espagne, les pogroms de l’Occident, de la Russie et enfin, la Shoah. Quand le président de la République islamique iranienne, Mahmoud Ahmadinejad, affirme, en accord avec le guide spirituel Ali Khamenei, qu’Israël doit être « rayé de la carte » (2005) ou encore qu’il est entré « dans le processus de l’anéantissement » (2008), les Israéliens et les autres Juifs à travers le monde se rappellent d’autres imprécations, dans le Reich allemand des années 1930, qui furent suivies d’effets. »

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