Nationaliser l’industrie pharmaceutique (bis)

Pourquoi l'industrie pharmaceutique veut-elle les données de la RAMQ? | Le  Devoir

(Cet article a été publié sur Twitter sous forme de thread le 9 avril 2020.)

Mon article sur l’industrie pharmaceutique, suivi par l’article d’Antoine Robitaille, m’ont fait rappeler quelques scandales qui avaient secoué cette industrie au début des années 2010, principalement à la suite de la pandémie de la grippe H1N1.

Je vais vous donner la source de toutes les informations que je vais vous présenter. Ces informations vont venir étayer mon article précédent, surtout la partie en lien avec le manque d’éthique de l’industrie pharmaceutique. Si vous voulez creuser davantage ou valider ces informations par d’autres sources de l’époque, vous pouvez le faire même si c’est rendu un peu compliqué à cause des années. Je vous recommande donc les archives de journaux et les archives du Web.

En 2010, il y a un rapport conjoint sur le traitement de la grippe H1N1 qui a constaté que certains scientifiques qui ont conseillé aux gouvernements de stocker des vaccins et des médicaments avaient déjà été à la solde de grandes compagnies pharmaceutiques. A contrario, ceux qui avaient décidé de se servir de leur cerveau, de faire leurs propres recherches et exercices de la pensée critique, ils étaient ridiculisés et traités de « conspirationnistes », bien sûr. Pourtant, il s’est avéré que ces recherches étaient fiables et légitimes.

« Les scientifiques qui ont rédigé les directives essentielles de l’Organisation mondiale de la Santé pour conseiller les gouvernements à stocker des médicaments en prévoyance d’une pandémie de grippe, avaient dans le passé été payés par les compagnies pharmaceutiques qui allaient profiter de façon très lucrative de l’hystérie, selon un rapport publié aujourd’hui. »

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« Une enquête menée par le British Medical Journal et le Bureau du journalisme d’enquête, […] montre que les recommandations de l’OMS publiées en 2004, ont été rédigées par trois scientifiques qui avaient déjà reçu un paiement pour d’autres travaux de Roche, qui fabrique le Tamiflu, et de GlaxoSmithKline (GSK), fabricant de Relenza. »

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Voici un autre dossier à lire dans la revue « Protégez-vous » de mai 2010. Il portait sur la collusion entre l’industrie pharmaceutique et le monde médical, sur les études-bidons réalisées par des équipes de scientifiques financées par les compagnies elles-mêmes, rédigées par des « écrivains-fantômes » et cautionnées par des éminents scientifiques qui n’ont jamais participé aux études. Ce sont surtout ces informations-là que vous allez avoir beaucoup de misère à valider, principalement parce qu’il faut payer pour avoir accès au dossier. Je vous donne donc les grandes lignes.

« Coïncidence troublante, 95 des 170 experts qui ont participé à l’édition la plus récente du DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) de l’Association américaine de psychiatrie, la « Bible » des psychiatres en Amérique du Nord et en Europe, entretenaient des liens financiers avec l’industrie. »

« Il n’est donc pas étonnant, relève-t-il, que « certains nouveaux médicaments, notamment pour traiter l’hypertension et la schizophrénie, s’avèrent en fin de compte cliniquement moins efficaces que leurs prédécesseurs, bien qu’ils soient vendus jusqu’à 10 fois plus cher. » »

« Au total, les pharmaceutiques investissent plus de 60 000$ dans chacun des quelques 700 000 médecins américains. Au pays, ce montant serait de l’ordre de 20 000$. »

« Cela va du financement commercial des universités aux essais cliniques biaisés, des pseudo-publications scientifiques à l’abaissement régulier des seuils de facteurs de risque pour certaines maladies, de l’éducation continue des médecins aux visites incessantes des représentants pharmaceutiques, qui nous apportent des échantillons gratuits. Sans oublier le financement des congrès, les repas payés à l’hôpital ou au cabinet, les réunions commanditées et les soupers-conférences dans de grands restaurants. »

« Même le médecin le plus compétent n’est plus en mesure d’obtenir des informations neutres et objectives lui permettant de prescrire les produits les plus efficaces pour ses patients. » – Marc-André Gagnon, Université McGill

« À l’arrivée, on finit donc par se retrouver avec une littérature biaisée ».

« Plusieurs études indiquent que les essais financés par l’industrie sont de trois à cinq fois plus susceptibles de fournir des résultats favorables que ceux qui sont réalisés avec des fonds indépendants. »

« Les abus sont si fréquents que la plupart des grandes pharmaceutiques doivent régulièrement répondre d’accusations de pratiques commerciales frauduleuses. En 2004, par exemple, Pfizer a accepté de payer 450 millions de dollars pour mettre fin à des poursuites engagées à son encontre aux États-Unis. »

« De 2004 à 2009, Pfizer, Eli Lilly, Bristol-Myers Squibb et quatre autres compagnies ont ainsi déboursé plus de 7 milliards de dollars en amendes et pénalités de toutes sortes. »

« Les pharmaceutiques débordent d’imagination. L’an dernier, à l’occasion d’un procès en Australie, on a découvert que pour faire mousser les ventes de son très controversé anti-inflammatoire Vioxx, Merck avait créé un faux journal médical, publié sous le label d’Elsevier, un éditeur scientifique réputé. »

Source (malheureusement, comme dit précédemment, il faut payer).

Et que dire de la mise en garde de la FDA au sujet des antidépresseurs qui causeraient une augmentation du risque de tentative de suicide chez les personnes adultes?

Malgré que certaines personnes aient essayé de nuancer le débat au fil des années, il n’en demeure pas moins que les compagnies pharmaceutiques tiennent davantage à un rapide retour sur investissement qu’à tenir des études valables sur l’innocuité (ou la nocivité) des nouveaux médicaments. Cette tendance est de pire en pire année après année. Conséquemment, le plus gros pourcentage de leurs investissements sert au marketing et non à la recherche. L’industrie pharmaceutique dépense deux fois plus d’argent en marketing qu’en recherche.

Qu’on se comprenne bien : il est tout à fait normal et souhaitable, dans une logique capitaliste, qu’une entreprise recherche un retour sur investissement des plus rapide. Mais, de là à risquer la santé des gens, il y a une marge. D’ailleurs, aucune autre industrie ne pourrait se permettre de telles pratiques aussi facilement. Pas sûr qu’une compagnie aéronautique (par exemple) vivrait bien longtemps à faire de « l’essai/erreur ». Les déboires de Bombardier prouvent qu’il y a une limite. L’industrie pharmaceutique est la seule industrie qui peut se permettre de jouer autant à la roulette russe sans conséquence fâcheuse. Le problème est qu’elle le fait avec nos vies, ce qui est 1000 fois plus grave. L’industrie pharmaceutique est comparable à un criminel qui s’en sort tout le temps et qui n’est jamais puni, ni arrêté.

La médecine étant somme toute limitée, les effets secondaires sont facilement camouflés par d’autres maux-mystères. Comble du malheur, les compagnies pharmaceutiques encouragent la consommation d’autres pilules destinées à les combattre. Et on s’étonne de l’explosion des coûts des médicaments, surtout des nouveaux médicaments? Les coûts des nouveaux médicaments créent même une forte pression sur le budget des hôpitaux. L’industrie pharmaceutique est une business hyper-lucrative, voire la plus lucrative qui ne peut pas y avoir.

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Source de l’image : classement de la revue Fortune en 2007 (ça donne quand même une bonne idée).

Imaginez si tout cet argent-là allait dans nos poches.

D’une part, les gens vouent aux médecins un trop grand culte et laissent volontiers leurs bobos entre leurs mains. Plusieurs patients croient à tort que la médication prescrite est un traitement, alors que bien souvent, celle-ci ne soulage que les symptômes, en plus d’en créer d’autres. Ces patients sont, par manque d’information, en partie responsables du fléau actuel. D’autre part, les pots-de-vin alléchants offerts aux médecins les entraînent dans un cercle infernal. Des ententes verbales sont convenues et les pharmaciens, tentés par les mêmes pots-de-vin, en viennent parfois à vérifier si le Dr X a bien prescrit le quota de pilules Y préalablement entendu avec le représentant pharmaceutique. Ne fermons jamais les yeux devant ces requins.

Voilà d’autres arguments qui se rajoutent à ceux que j’avais déjà donné en faveur de la nationalisation de l’industrie pharmaceutique.

J’espère en avoir convaincu quelques-uns car plus on sera nombreux à l’exiger, plus les gouvernements seront acculés au pied du mur et ils n’auront donc pas le choix de mettre leurs culottes. Ne faisons pas les mêmes erreurs que nous avons toujours fait. Il n’est pas trop tard pour recourir à une autre approche dans le cadre de la pandémie actuelle.

Je le répète : prôner la nationalisation de l’industrie pharmaceutique n’est pas de l’idéologie. C’est vouloir assurer la survie de l’espèce humaine car, n’en déplaise à certaines personnes qui font leur argent avec le système actuel, c’est bel et bien la survie même de l’Humanité qui est en jeu ici. Et selon moi, la survie de l’espèce humaine vaut 1000 fois plus que quelques dollars. La survie de l’espèce humaine et la confiance qu’elle porte envers l’industrie censée la guérir et rallonger son espérance de vie, ça n’a pas de prix. Des gens comme Lucie Laurier, ça apparaît quand on perd confiance envers le système censé nous sauver.

D’où l’urgence de nationaliser l’industrie pharmaceutique et le plus tôt sera le mieux.

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